Le 30 mars se tenait la Journée Mondiale des Troubles Bipolaires à Paris, organisée par Argos 2001. Un membre de PADEM y a assisté et vous propose un récap’ de cet évènement.
« A l’issue de cette journée mondiale des troubles bipolaires, de la vingtaine d’interventions, des questions, témoignages et remarques, plusieurs éléments ont émergé au travers des différents thèmes abordés.
> De nouvelles techniques médicales en perspective pour cette maladie complexe
Les troubles bipolaires sont complexes à plus d’un titre. Le diagnostic tout d’abord, avec on le sait un temps d’identification long voire très long, des similitudes avec d’autres pathologies, et un traitement médicamenteux qui malgré son efficacité n’est pas adapté à tous. Les progrès médicaux attendus en termes d’identification des Troubles Bipolaires et d’anticipation de phases aigües, notamment par les IRM et le travail des spécialistes sont donc à suivre de près.
> Information et sensibilisation contre incompréhension et stigmatisation
L’une des évidences qui ressort, tant dans les propos des professionnel·le·s de l’entreprise qu’au travers des témoignages des personnes bipolaires, c’est au mieux l’incompréhension au pire la stigmatisation dont sont victimes les personnes atteintes de Troubles Bipolaires dans le monde du travail. Le besoin de sensibilisation, d’information, de pédagogie et de formation est indispensable. Changer les mentalités et le regard d’autrui sur les Troubles Bipolaires passe obligatoirement par là.
> Unanimité quant à l’intérêt et l’efficacité des thérapies non médicamenteuses
Bien que le traitement des personnes atteintes de Troubles Bipolaires passe nécessairement par l’aspect médicamenteux, tous les intervenants se sont accordés à dire que cet aspect devait être couplé aux thérapies psychosociales, ou de façon plus générique aux Thérapies Cognitives et Comportementales.
> L’existence de différentes thérapies cognitives et comportementales (TCC)
Plusieurs Thérapies Cognitives Comportementales existent et sont mises en place en France. On notera par exemple celle de la mindfulness (méditation en pleine conscience), la remédiation cognitive ou encore la psychoéducation. Si ces techniques ont prouvé leur efficacité, il faut noter qu’elles nécessitent que la personne bipolaire soit stabilisée et puisse la pratiquer sur la durée. En outre, peu de structures sont à même de proposer de telles thérapies (même si leur nombre tend à croitre).
> La notion centrale de bien-être
Cette notion est revenue à de nombreuses reprises au cours des interventions. Loin d’être purement abstraite, elle se doit d’être au centre des thérapies, tel un idéal à rechercher au quotidien pour les patients bipolaires. Le bien-être est notamment l’un des objectifs clé des Thérapies Cognitives Comportementales.
> Individualisation des soins et personnalisation du diagnostic
Là aussi, tou·te·s s’accordent à dire que les personnes atteintes de Troubles Bipolaires doivent pouvoir bénéficier à la fois d’un diagnostic des plus précis, prenant le temps de situer et d’identifier chaque déterminant, et également d’une prise en charge propre à chaque individu, personnalisée. Il en va de l’efficacité des soins. Si aucun élément n’a été avancé quant au diagnostic personnalisé, les psychothérapies et autres Thérapies Cognitives Comportementales seraient elles en mesure de répondre à ce besoin d’individualisation de la prise en charge, pour coller au plus près des besoins de la personne bipolaire. L’ajustement médicamenteux des doses ainsi que l’association du lithium avec d’autres médicaments est aussi une technique.
> Nécessité de repenser le statut du patient, le rendre acteur de sa propre guérison
Que cela soit en comparant les systèmes de santé français et anglo-saxons, où d’après le retour d’expérience du travail des patients bipolaires dans l’éducation thérapeutique et la prise en charge d’autres personnes bipolaires, il semble véritablement important de changer notre regard la personne « malade » bipolaire, tout comme elle-même doit le changer.
En effet, d’après les expériences réussies en France, et les pratiques dans d’autre pays (Canada, Grande-Bretagne, Etats-Unis), force est de constater que l’implication du patient·e en tant qu’acteur·rice (et non plus juste sujet passif·ve) dans le parcours de soin, l’utilisation de ses propres forces et connaissances, sa capitalisation et l’utilisation de sa sensibilité particulière, apportent de réels bienfaits et progrès, tant pour le développement de la personne elle-même que pour les autres personnes bipolaires, ainsi que pour le corps soignant qui peut ainsi compléter et renouveler son expertise. Donner à la personne bipolaire la place qui lui revient dans sa propre prise en charge, l’autonomiser, lui permettre de coconstruire son parcours de rétablissement est salvateur à plus d’un titre. La notion d’empowerment prend ici tout son sens, et permet de combler le fossé entre malade et soignant·e, de créer des passerelles. La personne atteinte de Troubles Bipolaires peut, et doit, faire partie de manière proactive de sa prise en charge et de celles d’autres bipolaires.
> La désinclusion sociale aussi nocive que la maladie
Un autre élément méritant d’être souligné est la dangerosité de la perte du lien social. On le sait, les personnes bipolaires, particulièrement dans les phases de dépression peuvent s’isoler, se couper de tout et de tous. Il est aussi vrai que durant une hospitalisation et/ou du fait de ne pas pouvoir conserver un emploi stable, les conséquences comme la perte de revenus, la suspension de la ligne téléphonique, l’impossibilité de payer son loyer, sont autant d’éléments participant à un progressif délitement social. L’apport des associations est ici très important.
> Beaucoup de chemin reste parcourir mais des sources d’espoir
Même si la France accuse du retard concernant la prise en charge des personnes atteintes de Troubles Bipolaires, en termes de thérapies non médicamenteuses, du statut et rôle du ou de la patient·e, ainsi que de la reconnaissance de la maladie, cette journée à tout de même donné des éléments qui laissent présager un avenir meilleur, ne serait-ce déjà que par l’organisation et la réussite de celle-ci. De manière plus pragmatique, les progrès médicaux, le développement des Thérapies Cognitives Comportementales, la reconnaissance de l’apport de la personne bipolaire dans le parcours de soin et de rétablissement, et les réalisations concrètes déjà en œuvre laissent à penser que nous nous trouvons sur la bonne voie, même si nous ne sommes qu’au commencement de cette dernière. »